Comme je n’ai pas beaucoup pris le temps d’écrire cette année, retour sur 2019 afin de laisser une petite trace des choses qui ont marqué ma première saison.
L’hiver
L’hiver 2018/2019 à été bien occupé par un retour à temps partiel à Toulouse, pour reprendre du service dans mon ancienne entreprise d’informatique en tant qu’ingénieur fonctionnel. En gros, j’aide des gens à concevoir des applications qui répondent bien aux besoins de leur métier.
C’est assez différent de mon travail de paysan, c’était même un peu étrange pour moi à ce moment là de retourner là bas, mais j’aurai finalement pris plaisir à retrouver des collègues sympathiques et chaleureux. Assurer un peu les débuts avec un revenu en tant que salarié, ça peut aussi faire parti de la réalité d’une installation agricole.
Le 15 mars, alors que les week-end d’hiver ont déjà été largement remplis par plusieurs séances de semis, de petits chantier d’hiver, de travail prévisionnel, et la fin des cours à l’Ecole Lyonnaise des Plantes Médicinales (1), me voilà à nouveau à temps plein sur les petites feuilles.
Financement participatif
Et le premier sujet qui va nous occuper pleinement Claire et moi, c’est la préparation et le lancement du financement participatif (2). En effet avant que la saison ne commence, il reste un problème de taille à régler : sans électricité au terrain, je suis obligé d’arroser avec une pompe thermique (moteur essence) qui pollue, fait beaucoup de bruit, consomme énormément. Je n’envisageais pas de continuer comme ça, et l’objectif était donc d’installer un système solaire pour produire l’électricité nécessaire à l’alimentation d’une nouvelle pompe électrique.
Je précise que dans notre région, l’irrigation est indispensable. Il y a des endroits où la question ne se pose pas, mais ici la pluie peut s’arrêter en mai pour ne reprendre qu’en octobre, et depuis quelques années le déficit est eau est préoccupant. Un réseau d’irrigation complet et professionnel est très important – et c’est aussi un gros investissement ! C’est un point à considérer pour les installations dans des régions peu pluvieuses.
Ce financement participatif fut une belle aventure, un joli succés grâce à toutes les personnes qui se sont investies, ont participé financièrement, par leurs partages ou leur soutien. Et grâce à Claire, qui à travaillé tellement dur sur ce projet – elle aura été à la fois réalisatrice, conseillère, chef op, directrice de la communication, et plus encore…
Tout le système fonctionne à merveille, l’irrigation n’est plus un problème et quel soulagement d’avoir pu attaquer la saison de culture dans ces conditions !
Les message d’encouragement reçus durant la campagne nous ont donné des ailes, mais toutes ces nuits blanches à travailler sur la campagne ont vidé nos batteries alors que l’on est fin mai.. et que les choses sérieuses commencent pour de vrai !
La saison au Jardin
Pendant le financement, les semis ont bien poussé et la serre est pleine ! Le travail de préparation des planches à la grelinette se termine. Il y a plein de plantations à faire, et le jardin prend vie : la magie opère partout, tout se développe, quelle sensation incroyable pour les jardiniers de voir des petites graines devenir de si belles plantes, sentir et toucher, s’enivrer de toutes ces couleurs…
Le plaisir aussi de recevoir de l’aide et de partager : le voisin Gilles, les cueillettes avec Claire, les copains qui passent dire bonjour et qui se retrouvent à faucher des engrais verts etc.
En Mai, notre premier marché s’est déroulé à domicile avec la fête de la nature organisée dans notre village. Une première expérience un peu stressante pour moi, que j’appréhendais beaucoup, mais qui s’est passée à merveille malgré une journée de pluie et de grisaille. L’occasion de se rendre compte de la nécessité de s’équiper face au vent et à la pluie !
Puis les cueillettes ont commencé à s’intensifier, et le rythme change radicalement : les journées commencent très tôt, et vers 10h il fait souvent trop chaud pour travailler dehors. Je passe alors au séchoir, et les cueillettes ne reprennent que vers 16 ou 17h. Les journées finissent tard au séchoir car il y a beaucoup de tri à faire au fur et à mesure, et les nuits sont courtes. La sieste de début d’après midi devient nécessaire pour moi !
Et ainsi s’est déroulé l’été, dans le tumulte des journées chargées, et le calme méditatif des cueillettes…
Construire la gamme
Durant toute la saison, au fur et à mesure des idées, des plantes disponibles, des envies, la gamme s’est étoffée. Il a fallu travailler sur les étiquettes, les faire évoluer plusieurs fois, réfléchir longuement aux tarifs. Beaucoup de temps travail à l’intérieur, des fois difficiles à accepter quand le jardin est magnifique et livre toute sa richesse, et que les nuits sont trop courtes, mais un travail indispensable !
Premiers contacts
Etape clef, les premières rencontres avec les consommateurs et les revendeurs. C’est très important pour moi d’avoir des retours sur la qualité, voir ce qui plait et qui plait moins, les avis sur les sachets etc. Tout ça donne envie de continuer à fond. Et pouvoir partager sur les produits et la façon dont ils sont fait, sur la différence qu’il peut y avoir entre une plante produite et récoltée tout à la main, et des productions récoltées à la machine, séchées en bacs.. expliquer les prix, parler de l’engagement, tout cela fait partie du travail !
A partir du mois du juillet, j’ai commencé à monter mon stand au marché local porté par l’association Court Circuit qui fait un super travail en faveur du développement local et du circuit court (3). C’était déjà pour moi un rendez-vous régulier pour faire nos courses hebdomadaires et découvrir les métiers des producteurs et le territoire à leur contact. C’est toujours pareil mais maintenant je dois rester un peu derrière mon stand…
Quelques beaux partenariats
Durant le financement, nous avons voulu travailler avec des artisans pour étoffer nos contreparties et partager nos coups de cœur, ainsi les sachets de thé réutilisables de Julie Verte, les bracelets Petites feuilles de MulotB (ça ne s’invente pas et pourtant c’est un hasard) et les belles tasses de Sobie graphie (sur mesure pour l’occasion celles-ci) ont rejoint les tisanes et sels aromatisés dans les colis des contreparties.
Claire a aussi réalisé dans son atelier La clef du Hérisson de superbes carnets herbier siglés petites feuilles. Comme on vit ensemble et que son atelier est à la maison, c’est du partenariat ultra local !
May de Les mots à l’affiche a proposé à Claire, qu’elle connait depuis longtemps, de concevoir à 4 mains une affiche sur les petits actes engagés, la nécessité de se rapprocher de la nature, et redonner du sens. Cette belle affiche est devenue une nouvelle contrepartie durant la campagne de financement participatif, et elle risque de se glisser en petit format dans les premières commandes lors de l’ouverture du site internet…
Une belle occasion s’est présentée de travailler avec Virginie et Léa de NowHy sur une tisane de Noël sur mesure pour un de leurs clients. J’ai pris un plaisir particulier dans cet échange, en découvrant le beau projet et l’engagement honnête et profond de Virginie et Léa (4).
Bandes organisées
Coté associatif, je suis entré au comité d’administration de l’Adear de l’Aude. Les Adear ont pour missions la formation et l’accompagnement à l’installation de nouveaux agriculteur, et plus largement la défense des valeurs paysannes. C’est riche en échanges et j’apprend beaucoup, cela permet d’être en contact direct avec les acteurs, de participer à ma mesure au développement rural.
Année chargée aussi autour du syndicat SIMPLES (5), d’abord dans le PNR des Vosges à Cornimont pour la fête des SIMPLES, qui est un grand événement de rencontres entre producteurs, professionnels, passionnés ou curieux, élus locaux etc. Cette année les bénévoles des Vosges ont assuré parce que tout était super, avec pleins d’ateliers, de balades botaniques, des tables rondes et des conférences importantes et passionnantes, un beau marché de producteur etc. Pour moi c’était une belle occasion de prendre le temps, de reprendre un peu de force auprès de collègues, de faire la fête ensemble et de repartir la tête pleine d’idées et de courage.
Un autre temps fort des SIMPLES fut l’assemblée générale qui se tenait dans l’Aude près de chez moi cette année. Un vrai temps d’échange et de travail sur de nombreux sujets du syndicat : organisation interne, retours des portes paroles, débat sur les enjeux politiques, évolution du cahier des charges etc. Et pour moi comme pour plusieurs producteurs postulant, l’AG a aussi marqué officiellement mon admission en tant que producteur dans le syndicat. C’est un système de reconnaissance par les pairs : sur la base des valeurs et du cahier des charges SIMPLES, les autres producteurs me reconnaissent comme un des leurs.
J’avais cette volonté d’appartenir à ce réseau et de travailler suivant les valeurs des producteurs SIMPLES dès les premiers pas de mon installation, c’était donc une étape importante pour moi !
Fin de saison
La gamme s’est vraiment étoffée et complétée au fil des récoltes, des essais, des retours, pour être véritablement “terminée” vers Octobre / Novembre. Je suis arrivé à proposer les mélanges que je souhaitais avoir sur cette première saison, et qui me plaisent – je ne prends jamais le courage de savourer un peu de satisfaction, mais je vais l’écrire ici : je suis super content !
L’automne aura été marqué par la communication, la préparation et l’expédition de toutes les contreparties du financement participatif, et je dois dire que c’était encore pas mal de boulot.
En fin d’année, des jolies commandes sont venues ponctuer des journées plutôt passées à faire du stock, à travailler sur l’ordinateur, en visite chez les copains, en famille.. L’hiver c’est fait pour ça, et pour faire avancer les petits chantiers qui traînent dans la tête.
Enfin, j’ai beaucoup travaillé pour la partie boutique du site sur le code et sur les photos et la présentation des produits, pour mieux présenter les produits et permettre de commander plus simplement. Mais ce sera fin prêt en février 2020 alors on déborde déjà un petit peu : )
2019 aura été chargée, riche en émotion, en découvertes et apprentissage. Tous les ans depuis 2017 que l’on apprend à jardiner, Claire et moi découvrons des choses toujours plus étonnantes, on apprend de nos erreurs et on s’émerveille de la chance de nos réussites.
Il y a encore beaucoup de chemin à parcourir pour que l’activité agricole soit stable, viable, mais mon outil de travail se construit petit à petit, et les bases sont jetées pour une année de production suffisante à alimenter les marchés et les revendeurs en 2020. Et toucher un peu plus à mes objectifs de départ : vivre de mon travail dans cette belle région sauvage des Hautes Corbières, être acteur de la vie paysanne, et faire découvrir et profiter des plaisir et des vertus des plantes partout où c’est possible – faire un peu plus aimer la nature et donner envie de la protéger !
- J’ai eu le plaisir de partager mon expérience à l’ELPM dans un article d’Anne Aït-Touati sur son blog Tisane du soir qui présente différents parcours de formations en herboristerie et plantes médicinales, http://tisanedusoir.fr/formations-en-herboristerie-sept-temoignages-pour-se-faire-une-idee/
- La campagne de financement participatif sur la plateforme bluebees reste consultable ici : https://bluebees.fr/fr/project/534
- Une initiative locale d’un marché de producteur plein de bonne ambiance et de bons produits : http://court-circuitencorbieres.eklablog.com/
- Des kits de transition vers une consommation responsable et consciente chez NowHy.
- Je présentais un peu le syndicat SIMPLES là : https://www.instagram.com/p/B5cTtAih88Y/. Il se présente aussi lui même tout seul ici : https://www.syndicat-simples.org/71-2/
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